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DOSSIER : La fraude aux prestations sociales : Ne pas se tromper de cible !



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Comme déjà relevé par la Cour des comptes dans un rapport de 2020 consacré à la fraude aux prestations sociales, les données disponibles concernent surtout la fraude aux prestations de la branche famille. Estimée entre 2 et 2,5 Mds, elle serait concentrée sur le RSA, la prime d’activité ou les aides au logement. S’agissant de l’assurance maladie, la détection et l’estimation de la fraude sont moins documentées et concernent principalement les professionnels de santé ou établissements médicaux sociaux qui facturent des actes fictifs ou pratiquent des surfacturations. Estimation par la Cour des comptes des fraudes aux prestations sociales :


Dans le détail, les contrôles effectués par les caisses du régime général de sécurité sociale ont conduit à mettre en recouvrement 488 Millions d’Euros au titre des diverses fraudes ou fautes en 2021, ce qui paraît très faible au regard des évaluations effectuées par les organismes sociaux ou la Cour des comptes en 2020. Cependant, la Cour des Comptes émet des réserves sur ces évaluations et souligne l’insuffisance des données communiquées par la CNAF, la CNAM ou la CNAV pour disposer à ce jour d’une estimation globale des fraudes aux prestations sociales. Selon la Cour, la fraude aux prestations versées par les CAF se monterait à 2,8 Mds dans sa fourchette haute. A cela, il faut rajouter les fraudes à l’assurance maladie et professionnels de santé estimée à 4,5 Mds et surtout celle aux cotisations sociales évaluée entre 7,3 Mds et 9,2 Mds.


Le total de ces estimations correspond au chiffre de 15 Mds communiqué par le Ministre du Budget.


C’est certes important mais, bien inférieur aux préjudices estimés par l’INSEE à 26 Mds pour la seule fraude à la TVA ou aux évaluations de l’évasion fiscale bien documentées par les économistes et les syndicats des Finances publiques et chiffrées à plus de 100 Mds d’Euros. Pour mémoire, la totalité de la fraude fiscale détectée par les services de la DGFiP (finance publique) représentait quant à elle 13,4 Mds de droits et pénalités notifiés et 10,7 Mds encaissés en 2021 .


Sur le battage médiatique autour de la fraude aux allocations et les estimations de la Cour des comptes :

L’exécutif a annoncé à grands renforts médiatiques de nouvelles mesures afin d’accroître les contrôles sur les bénéficiaires des minimas sociaux ou l’allocation vieillesse (bénéficiaires du RSA, Minimum vieillesse, utilisation frauduleuse de cartes vitales ; fausses déclarations liées à l’état civil ou à la résidence effective , faux arrêts de travail…).


Parmi ces mesures, figure également une proposition de fusion entre la carte vitale et la carte nationale d’identité. Si l’on se réfère aux estimations publiées par la Cour des comptes dans le tableau ci-dessus, ces chiffres comptabilisent aussi de simples erreurs déclaratives ou indus sans distinction avec la fraude intentionnelle et avérée donnant lieu à de réelles poursuites par les CAF.


Or, en matière de fraude sociale comme fiscale, il appartient aux organismes de démontrer son caractère intentionnel. En outre, depuis 2018 « la loi ESSOC ou droit à l’erreur » permet d’établir une distinction entre les fautes commises par négligence ou simples erreurs déclaratives et la fraude intentionnelle qui doit être démontrée par l’administration ou les organismes sociaux (non-respect de la législation et dans les faits à travers une procédure contradictoire avec des recours possibles en cas de désaccord).



Enjeux et moyens de contrôle mis en œuvre dans la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, fiscales et cotisations sociales :


Le dossier de presse des CAF dénombre 13,6 millions d’allocataires pour 95,5 Mds de prestations versées en 2021. Les CAF ont détecté 43 208 cas de fraude aux prestations se montant à 309 millions pour un préjudice moyen de 7 162 € principalement concentrées sur le RSA, la prime d’activité ou les allocations logement.


Elles distinguent néanmoins les prestations trop perçues, les erreurs commises de bonne foi et la fraude avérée. En allant plus loin et après analyse des rapports d’activité publiés à la fois par la CAF7 et la DGFiP8 , Force ouvrière constate que les moyens consacrés au contrôle des allocataires sont disproportionnés au regard de ceux mis en œuvre à la DGFiP.


En effet, les CAF ont effectué 35,6 millions de contrôles sur 13,6 Millions de bénéficiaires (un allocataire sur deux contrôlé) et 127 878 contrôles sur place ont été réalisés en 2021. Pour la DGFiP, 122 129 contrôles sur pièces des professionnels9 ont été effectués et seulement 27 750 contrôles sur place, soit moins de 1% des entreprises vérifiées sur place et 1,63 % pour le contrôle sur pièces ou du bureau. Concernant le contrôle des particuliers, sur 39,8 millions de foyers fiscaux, la DGFiP a contrôlé 653 869 dossiers sur pièces soit un taux de couverture des particuliers de 1,64 %. Selon l’URSSAF, 98 000 contrôles ou de prévention ont été diligentée en 2021 sur près sur 10,6 millions de comptes répertoriés10 soit moins de 1 % d’usagers contrôlés (entreprises, indépendants...).


La fraude détectée pour l’année 2021 s’est élevée à 499 Millions d’Euros11 et 1,3 Mds pour le travail dissimulé alors que les dernières évaluations par le Haut Conseil au financement de la protection sociale font état d’un manque à gagner entre 9 Mds et 11,3 Mds d’euros.


Poursuites et sanctions : fraude aux prestations sociales/délits de fraude fiscale :

Sanctions prononcées par les CAF en 2021 :


En 2021, les Caf ont appliqué un montant de pénalités de 17,9 millions d’euros (Montant moyen de 688 € et 2 357 poursuites).


Dossier de la presse de la CAF du 21/06/2022- part total de la fraude en nombre et en masse financière


Sanctions prononcées au pénal pour fraude fiscale :


La DGFiP a transmis au parquet 1 620 dossiers de fraude fiscale en 2021 pour un préjudice moyen autour de 292 000 € , selon le dernier rapport d’information de la Commission des Finances du Sénat.


Au regard des chiffres communiqués dans ces rapports, il apparaît que les moyens déployés pour lutter contre la fraude aux prestations sociales et la fraude fiscale ne sont proportionnés ni aux enjeux en matière de fraude détectée ni aux estimations effectuées par la Cour des Comptes reposant sur les données plus complètes de la branche famille depuis 2010.


Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et s’expliquent par les politiques fiscales mises en œuvre vers les entreprises en privilégiant un rôle de conseil et d’accompagnement au détriment du contrôle.


Parallèlement, les contrôles sur les chômeurs et les allocataires des prestations sociales ont été renforcés notamment dans le cadre de la nouvelle politique sociale du « Workfare » des droits et devoirs repris dans le projet France-travail et de la conditionnalité du versement du RSA.


Des plans de lutte contre la fraude mais avec quels moyens humains ?


Ainsi, le énième plan de lutte contre fraude fiscale dévoilé début mai par l’exécutif promet de nouvelles sanctions contre les plus gros fraudeurs et les multinationales sans annoncer de moyens spectaculaires.

Le ministre du Budget compte ainsi accroître les contrôles sur les plus gros patrimoines avec le Datamining et augmenter de 1 500 ETP (équivalent temps plein) les effectifs dédiés au contrôle. Sont également évoqués un renforcement des sanctions pénales et une nouvelle peine de travaux d’intérêts généraux ou d’indignité fiscale (suppression de crédits d’impôts).

Ce nouveau plan prévoit en contrepartie une généralisation des procédures dites « de régularisation » afin d’éviter les procédures de contrôle fiscal considérées « trop lourdes et intrusives » et de mieux d’accompagner les grandes entreprises/PME avec le développement des rescrits.


Le précédent plan de lutte contre la fraude fiscale de 2018 n’a pourtant pas produit les effets escomptés.

En effet, selon le dernier rapport de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale16 présenté à l’occasion du PLF 2023, le nombre de contrôles sur place et d’ESFP (Examen de situation fiscale personnelle) a chuté de 52 378 opérations en 2013 à 42 134 en 2018, et à 27 750 en 2021 !


La baisse du nombre d’opérations de contrôle et la chute des résultats financiers sont notamment liées aux multiples suppressions d’emplois à la DGFiP, seulement environ 10% des effectifs étant consacrés au contrôle fiscal aujourd’hui.


Comme en témoigne le recensement des effectifs de la DGFIP reproduit ci-après, 9 000 emplois ont été supprimés de 2017 à 2021 et l’hémorragie va se poursuivre avec 3 000 suppressions déjà programmées dans les services d’ici 2027 !

régionales de vérifications en Ile de France).Comme l’a déjà souligné FO DGFIP17 , ce nouveau plan de lutte contre la fraude fiscale se traduit par de simples effets d’annonces pour l’opinion publique très éloignés des enjeux évoqués dans les rapports parlementaires de la Commission des Finances des deux chambres.


La lutte contre la fraude fiscale doit inévitablement passer par un renforcement des moyens humains et non par des redéploiements dérisoires (1 500 postes sur 5 ans dans la sphère du contrôle, détachement d’agents dans la Police Fiscale) alors que 4 000 postes ont été supprimés depuis 2012 dans le contrôle fiscal. La DGFiP a notamment justifié ces suppressions d’emplois par des gains de productivité réalisés dans la programmation issue de l’intelligence artificielle (datamining) depuis 2014 avec des investissements provenant du Fonds de transformation de la fonction publique (FTAP) pour plus de 5millions d’Euros et représentant à ce jour la moitié des contrôles. Or, au vu des résultats financiers

obtenus, c’est un échec patent avec seulement 13% des droits recouvrés et un taux d’affaires dites « conformes » ou à « faible enjeux » en augmentation ! Alors que les plans de lutte contre la fraude se succèdent, l’évasion fiscale se porte toujours bien en France au cœur du système bancaire et financier.


Ainsi, en 2023, la fraude à la taxe aux dividendes dénommée « cum cum » se montait à un milliard de redressements, soit plus de trois fois la fraude aux prestations sociales détectée par les CAF en 2021 (309 millions) !


Pour FO, ce nouveau plan ne comporte rien de concret afin de doter réellement la DGFiP de moyens supplémentaires humains et budgétaires pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale complexe ou l’optimisation fiscale agressive des grands groupes. Les montants budgétaires consacrés au datamining devraient plutôt financer de véritables recrutements de vérificateurs spécialisés pour démanteler les montages de plus en plus complexes, et démontrer l’intentionnalité de la fraude ou abus de droit.


Enfin, il n’apparaît dans ce plan = aucune volonté d’harmoniser rapidement les règles fiscales au niveau de l’UE et de l’OCDE et de lutter contre les paradis fiscaux et le dumping fiscal (assiette, taux dans le prolongement de l’accord de l’OCDE20 de 2021).


Et la fraude aux cotisations dénommée par le ministre « fraude d’en haut » ?


Les enjeux de la fraude sociale se concentrent également sur la fraude aux cotisations sociales estimée par l’ACOSS de 5,6 mds à 7,1 Mds21 pour le secteur privé d’après les contrôles aléatoires effectués en 2021 :


Le dernier rapport du Haut Conseil au financement de la protection sociale22 (HCFiPS) pointe également l’utilisation de sociétés éphémères ou de sous -traitants ayant recours à une main d’œuvre non déclarée afin de réduire leurs coûts de production.


Or, comme dans toutes fraudes, des personnes physiques donneurs d’ordre sont souvent à la tête de de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et ne sont jamais véritablement sanctionnés.


Par ailleurs, avec le développement du non-salariat (microentreprises et plateformes du numérique) les risques de fraudes se sont multipliés afin de minorer l’assiette des

cotisations malgré la surveillance du réseau des Urssaf.


Selon le HCFiPS, ces fraudes intentionnelles en matière de travail dissimulé et omissions déclaratives sont estimées à plus de 10 Mds d’euros par an. Concernant la fraude aux cotisations sociales, le ministre a seulement annoncé un renforcement des effectifs des Urssaf de 240 ETP avec un objectif de redressements de 5 Mds d’ici 2027 !


Pour Force ouvrière, les réformes engagées en vue notamment de faciliter la création d’entreprises en ligne sans contrôles du Greffe des tribunaux de commerce, de l’administration fiscale ou organismes sociaux sont souvent à l’origine de fraudes importantes.


Les enjeux financiers (détectés et estimés) de la fraude aux prélèvements obligatoires (impôts, cotisations) menacent notre modèle social fondé sur la solidarité et sont sans communes mesures avec la fraude aux prestations sociales pointée dans ce dernier rapport de la Cour des Comptes.


Alors que l’exécutif cherche à réaliser de nouvelles coupes dans la sphère sociale à travers la revue des dépenses publiques, l’annonce de ce nouveau plan de lutte contre la fraude sociale tombe à point.


L’accentuation des contrôles sur la fraude aux prestations sociales des plus précaires ressemble plus à un aveu de renoncement à lutter contre la vraie fraude fiscale et sociale des entreprises, plus complexe à détecter et nécessitant plus de moyens budgétaires et humains.


Le changement d’échelle de lutte contre la fraude doit donc s’opérer au bon niveau et au bon endroit.

L’exécutif semble se tromper de cible à la fois dans son discours politico médiatique et face aux enjeux réels pour les finances publiques entre la fraude aux prélèvements obligatoires et la fraude aux prestations sociales.


 

FO56


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📍3 Boulevard Cosmao Dumanoir

56100 Lorient

⌚ du Lundi au vendredi de 09:00 à 12:00 de 13:30 à 17:30

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